Fini le temps où les écrivains écrivaient et raturaient les pages de leurs cahiers d’écriture ? Pas si sûr, quand on expérimente les deux façons d’écrire.
La différence la plus marquante entre le fait d’écrire à la main ou sur un clavier d’ordinateur est, à mon sens, le temps qu’on accorde au déploiement de la pensée. En général, on n’écrit pas à la même vitesse si l’on utilise un stylo ou si l’on tapote sur son ordinateur. Cela paraît peut-être anecdotique, mais ça ne l’est pas, en réalité. Combien de fois ai-je découvert que ma qualité d’écriture variait en fonction du mode d’écriture choisi ?
D’ailleurs, ce n’est pas seulement la qualité d’écriture qui est impactée, c’est aussi la nature même des idées que l’on jette sur le papier. Ce ne sont pas forcément les mêmes idées qui adviennent dans les deux cas. Il faut l’expérimenter pour le sentir.
Il y a aussi ce rapport au papier, à quelque chose de concret, de matériel. Il y a une forme de conditionnement psychologique lorsqu’on touche la matière. Pour ma part, j’accorde plus de poids au choix des mots, à ce que j’écris de manière générale, car ce que j’écris reste inscrit sur la page alors que sur l’ordinateur, il me suffit d’un clic pour supprimer des pages entières.
L’ordinateur a cet avantage de nous présenter des textes mis en forme, qui s’apparentent déjà à un livre imprimé. Ce peut être un avantage ou un inconvénient : avantage lorsqu’il s’agit de gagner du temps puisque le texte est déjà tapé, mais inconvénient si l’on se met la pression en se disant que ce qu’on écrit doit être parfait, publiable en peu de versions.
Les écrans peuvent figer les pensées. Combien de fois les fixons-nous sans pouvoir réfléchir ? C’est la même chose quand on écrit. Même si les doigts courent sur le clavier, l’effet de l’écran est réel. Il peut, à terme, tétaniser la pensée. D’où la nécessité de faire des pauses pendant son processus d’écriture, voire d’alterner les modes de faire.
Si l’on peut vite corriger son texte lorsqu’on écrit à l’ordinateur, il est très facile de passer à côté des « fautes » d’orthographe et autres défauts d’un texte. Je constate régulièrement ce décalage lorsque je lis un texte sur l’ordinateur et lorsque je l’imprime. Ce qui ne veut pas dire qu’il faille systématiquement imprimer ses textes. A mon sens, il faut le faire lorsqu’on entame une version dédiée à la correction intégrale de son texte, à tous les niveaux.
Attention également à ne pas toujours « écraser » les versions antérieures de ses textes sur un ordinateur. Gardez des versions successives et nommez-les en inscrivant des dates. Vous parviendrez ainsi à mesurer vos progrès, mais surtout, à récupérer des passages potentiellement bons que vous auriez effacés entre temps.
Le fait de pouvoir emporter un cahier d’écriture avec soi où qu’on aille a son avantage. Cela favorise l’écriture spontanée. Si vous avez l’impression que vous perdrez votre temps à tout réécrire sur l’ordinateur, dites-vous qu’au contraire, cette nouvelle version vous permettra de prendre du recul sur votre texte, de corriger ou de modifier certains passages.
Enfin, sachez que l’envoi de vos manuscrits se fera forcément avec des versions dactylographiées. Vous devrez donc prendre du temps pour retaper tout ou partie de votre roman. Mais ce ne sera pas du temps perdu. Dans tout processus d’écriture, écrire différentes versions d’un même texte favorisa sa maturation.
© Johanna Sebrien, 2020.