Dans l’épisode précédent, je vous ai parlé de la prémisse, cette phrase qui résume toute mon histoire, qui peut vous paraître simpliste mais qui ne l’est pas. La prémisse est une phrase qui synthétise le point de départ de votre histoire. Son intérêt réside dans le fait qu’elle nous permet de savoir ce qu’on veut vraiment raconter. La prémisse est la fondation sur laquelle on va commencer à construire la structure de son histoire.
Lorsque je dis « ce qu’on veut vraiment raconter », il s’agit bien de mon histoire dans ses très grandes lignes. Il y a un monde entre une prémisse et l’histoire complète, vous vous en doutez. Ce passage entre la prémisse et les éléments concrets de l’histoire n’est jamais facile à opérer. Pourquoi ? Parce qu’une prémisse peut-être développée de milliers de façons différentes. Ce sera à vous de choisir ce que vous mettrez derrière chaque terme de la prémisse. C’est en écrivant que tous ses éléments se préciseront. Et lorsque je dis « en écrivant », je pense d’abord aux fiches que vous allez écrire pour poser les fondations de votre histoire.
Prenons un exemple qui me permettra de récapituler le trajet mental que j’ai réalisé jusqu’à maintenant pour savoir ce que je veux vraiment raconter dans mon futur best-seller. Imaginons que j’aie envie de raconter l’histoire d’une adolescente qui veut devenir une championne de natation. Je me demande déjà à quel stade de son parcours sportif je souhaite raconter son histoire. Lorsqu’elle prend conscience de sa vocation ? Lorsqu’elle réalise qu’elle a un vrai potentiel pour nager au niveau mondial ? Lorsqu’elle a déjà atteint un niveau mondial et souhaite gagner la médaille d’or aux prochains J.O ?
Comme j’aime bien les histoires d’adolescents et celles qui racontent comment des vocations prennent forme, je vais choisir la première solution : montrer cette nageuse au moment où elle réalise qu’elle veut nager à un niveau professionnel.
Je dois encore préciser à quel stade elle se trouve. Est-elle inscrite dans un cursus sport-études ? A-t-elle renoncé à ses études dès l’âge de seize ans pour se consacrer à ses entraînements ? S’est-elle engagée dans des études universitaires classiques en nageant pendant son temps libre sans que cette activité soit encadrée par une fédération ?
Ce choix peut s’opérer de bien des façons. Pour ma part, comme j’ai suivi un cursus piano-études, je sais ce qu’implique le fait d’être dans un lycée à horaires aménagés. Je vais donc choisir la première solution parce que je sais que je pourrai injecter des détails personnels dans mon histoire (même si je faisais du piano et pas de la natation).
Disons qu’Eléna est en terminale dans un programme sport-études. Après son bac, elle sait qu’elle va devoir choisir sa voie. Comme le sport l’attire plus que les études, elle va tout faire pour ne pas avoir à s’inscrire à l’université. Elle va redoubler d’efforts pour que ses résultats sportifs convainquent un coach de la recruter dans une équipe de niveau Nationale III (puisqu’elle a déjà un niveau régional).
Je dois bien réfléchir à tout cela pour pouvoir écrire une prémisse solide. Cette dernière pourrait ressembler à : « Eléna met tout en œuvre pour gagner une compétition de natation au niveau national ».
On voit bien qu’on a une héroïne : « Eléna », une action principale : « met tout en œuvre » (je vais préciser ci-dessous) et un objectif clair : « gagner une compétition de natation au niveau national »
C’est là qu’on voit que je ne suis pas encore totalement au clair avec ce que je veux raconter. Dans l’expression « met tout en œuvre », je peux imaginer beaucoup de choses. Mettrait-elle sa vie amoureuse de côté ? Sa vie familiale ? Serait-elle tentée de se doper pour décupler ses performances sportives ?
Imaginons qu’elle ait accès à des anabolisants dès son plus jeune âge, ma prémisse deviendrait : « Eléna entreprend de se doper pour gagner une compétition de natation au niveau national. »
Là, ma prémisse commence à m’intriguer car elle contient un conflit de taille. Puisqu’Eléna va se doper, toute la question sera de savoir si elle sera démasquée ou pas et à quel moment. On voit bien que cela pourrait compromettre son avenir dans ce milieu, avoir des effets sur sa santé, générer des conflits avec sa famille ou avec son entraîneur (si elle se dopait à son insu). Surtout, on se demanderait pourquoi une fille si jeune se mettrait une telle pression sur les épaules, au point de ne pas envisager la réussite sans dopage.
Vous voyez qu’en réfléchissant aux objectifs de mon personnage et à sa trajectoire globale, j’élabore peu à peu une prémisse, je précise mon idée d’histoire et par la même, je découvre quels conflits mon héroïne va devoir gérer.
En ayant fait ce travail, j’imagine déjà des scènes d’entraînement sportif, des scènes pendant lesquelles elle va chercher à trouver des substances pour se doper, des scènes pendant lesquelles elle va se cacher, mentir à d’autres personnages pour ne pas être démasquée.
Voilà pourquoi, avant de se lancer dans l’écriture d’un premier jet, il est bon de préciser au maximum ce que l’on veut raconter. Je n’en suis qu’aux grandes lignes, mais elles sont déjà plus claires, plus précises. Elles génèrent une trajectoire et me fournissent des scènes à écrire.
C’est en écrivant que j’irai dans le détail de cette histoire, mais pour l’heure, je sais qu’a priori, je ne me perdrai pas puisque ma prémisse et ce qui la sous-tend m’offre un cadre d’écriture clair et sécurisant pour continuer à travailler sur mon roman.
© Johanna Sebrien, 2021