Le compte Instagram « Balancetonéditeur » commence à faire parler de lui et ne tardera certainement pas à produire ses effets dans le petit monde feutré de l’édition. Loin de vouloir, par cet article, vous rappeler les heures nauséabondes qui ont suivi l’éclatement de l’affaire Weinstein, je souhaite relayer cette information dans un seul but : vous aider à choisir les maisons d’édition que vous pourriez être amené à démarcher.
Vous le savez sans doute, quand on signe un contrat d’édition, ce contrat est valable pendant soixante-dix ans et engage aussi vos descendants. Dans n’importe quel métier, il est possible de rompre un CDI. Dans l’édition, même si vous ne vous entendez plus avec votre éditeur, vous avez rarement la possibilité de sortir d’un contrat, à moins d’avoir prévu des clauses à cet effet, ce qui n’est pas une pratique courante.
Cet état de fait constitue, à mon sens, une raison très sérieuse de vous interroger longuement avant de signer un contrat d’édition. Signer à la va vite parce qu’on souhaite à tout prix être édité sans chercher à bien connaître la maison d’édition avec laquelle on signe, ni son éditeur, c’est prendre le risque de se retrouver coincé dans une collaboration délétère (voir l’article apprenez à connaître les éditeurs ou les éditrices qui vous publieront) . Une collaboration qui peut potentiellement nuire à votre santé mentale et à votre créativité. Combien de gens, dégoûtés par une première expérience désastreuse dans l’édition, ont décidé de tout arrêter, voire, de ne plus jamais écrire ? Beaucoup, à mon avis.
J’en viens à ce compte Instagram @Balancetonéditeur, créé récemment par un collectif qui souhaite dénoncer les mauvaises pratiques du monde de l’édition. Ces mauvaises pratiques (le harcèlement moral ou sexuel, les discriminations en tous genres) ne sont pas l’exclusivité des éditeurs (je dis bien les « éditeurs » et non pas les « éditrices » car, à ce jour, je n’ai pas entendu de cas de femmes harcelant des auteurs hommes). Elles sont l’apanage de tous les milieux.
Je crois, cependant, que ces pratiques sont encore plus fréquentes dans les milieux artistiques, milieux ultra-concurrentiels qui peuvent pousser beaucoup de gens à accepter des choses inacceptables par manque de repères, par envie de réussir, pour pouvoir vivre de son art, etc.
Ces milieux sont, à mon sens, encore plus dangereux que les autres car les artistes sont très souvent isolés et dans une dépendance totale vis-à-vis de leur « employeur » (une maison de production, une maison d’édition). Ces milieux favorisent la proximité des personnes qui travaillent ensemble et il peut être compliqué de mettre des distances avec un boss avec lequel vous vous retrouverez à partager des soirées, des trajets, des événements divers et variés (voir aussi la vidéo : l’importance d’une attitude pro dans le milieu de l’édition).
Je ne peux que saluer le courage de ce collectif qui a créé ce compte @Balancetonéditeur tant on sait à quel point le monde de l’édition est petit. Dénoncer un éditeur, c’est prendre le risque de perdre son emploi et toute possibilité de continuer à travailler dans l’édition. Les places valent très chères, encore plus lorsqu’elles ont un lien direct avec les services éditoriaux d’une maison d’édition.
Ce compte a donc le mérite de dévoiler au grand jour les comportements nauséabonds de personnes qui détiennent le pouvoir au sein du secteur et s’en servent de manière abjecte. Pour ma part, je ne doute absolument pas de la véracité des propos relayés par ce compte instagram car je sais que tout cela existe.
Je connais personnellement des gens qui ont travaillé dans l’édition, des femmes qui ont été harcelées sexuellement, ont quitté leur job et ne remettront plus jamais les pieds dans ce secteur qui ne leur inspire que du dégoût.
Des auteurs m’ont rapporté des propos misogynes tenus dans de très grandes maisons d’édition. J’ai observé des comportements douteux lors de festivals, des regards déplacés, j’ai entendu des propos « vulgaires ».
En ce qui me concerne, je n’ai jamais été harcelée. On m’a toujours dit que j’avais un certain aplomb et je crois que cela a dû en freiner plus d’un. Surtout, j’ai un sixième sens qui m’a fait fuir, d’instinct, toutes les situations ou les personnes qui ne m’inspiraient aucune confiance. Cet instinct et ma volonté de préserver ma santé mentale, quel qu’en soit le prix pour le développement de ma carrière d’artiste, m’ont protégée de tout cela.
Mais, ce qui est certain, c’est que j’ai croisé beaucoup d’hommes, des producteurs ou des éditeurs, qui étaient « vivement » intéressés par mes projets avant de s’en désintéresser de manière soudaine lorsqu’ils comprenaient (assez rapidement) qu’ils n’auraient jamais mes faveurs.
Il est très difficile de renoncer à une potentielle collaboration quand on sait qu’on a un projet qui tient la route et que des portes pourraient s’ouvrir une fois le projet publié. Mais, savoir dire « non » à une mauvaise collaboration amène aussi de nouvelles opportunités, plus saines et plus durables.
Si vous voulez savoir quelles maisons d’édition sont fréquentables et lesquelles ne le sont pas, allez donc faire un tour sur instagram. Ce tri, loin de nuire à vos recherches en supprimant des possibilités, vous permettra, au contraire, de trouver des maisons avec lesquelles vous pourrez collaborer sereinement. Je vous le souhaite.