John Truby, que je citerai sans doute beaucoup dans mes articles car je le considère comme étant l’un des script doctors les plus inspirants du moment, nous parle de la nécessité de connecter le désir du héros et ce qu’il appelle sa « faiblesse ».
Qu’entend-il par là ? La faiblesse du héros, c’est ce qu’il doit dépasser pour être pleinement heureux. C’est son principal problème dans l’existence.
John Truby cite par exemple le héros du film Tootsy, un homme misogyne qui méprise les femmes. C’est son principal problème car au fond, il n’est pas heureux en étant comme ça (s’il était pleinement heureux, il n’y aurait pas film). Or, il se trouve que le héros est un comédien et qu’il ne trouve plus de rôles, jusqu’à ce qu’il se déguise en femme et devienne la star d’une sitcom. Cette expérience va radicalement changer son attitude vis-à-vis des femmes car il s’est glissé dans la peau de l’une d’entre elles et doit en assumer toutes les conséquences.
Le désir du héros de Tootsy est certes d’assurer sa subsistance en tant que comédien, mais au sein du film, ce désir se transforme rapidement : le héros doit être crédible en tant que femme et ne surtout pas être démasqué, au risque de perdre son rôle et sa réputation dans le petit monde de la télévision.
On voit bien comment le scénariste a connecté le principal désir du héros (« être crédible en tant que femme ») et sa faille initiale (la misogynie) : le désir du personnage principal vient bousculer de manière permanente ce qu’il est, l’un de ses principaux traits de caractère.
Au fond, le désir du personnage principal est une sorte de défi qui va bousculer sa façon d’être et l’obliger à se transformer. Car que nous importe-t-il de voir réellement dans une fiction si ce n’est la transformation d’un personnage ?
Vous le constaterez, que ce soit dans des films ou dans des romans, les personnages vivent des transformations plus ou moins radicales. Ils sont tiraillés, poussés dans leurs retranchements. Et nous vivons ces changements à travers eux.
L’idée importante, c’est de comprendre que dans une fiction (comme dans la vie, selon certains), rien n’arrive par hasard. Autrement dit, le désir du personnage principal doit être connecté à sa principale faille, à ce qui l’empêche d’être pleinement lui-même.
Le désir du personnage principal, ce fil conducteur qui va être l’ossature de votre histoire, ne doit pas être créé ex nihilo.
Prenons un exemple un peu extrême : si votre héros est un moine bouddhiste (ce qui promet beaucoup d’action dans votre film ;), il paraît peu probable qu’il veuille fomenter un attentat en faisant s’écraser un avion sur le pentagone. En revanche, il voudra sûrement, tout comme Matthieu Ricard, favoriser la diffusion de l’éducation dans les pays en développement en créant des écoles.
Prenons un autre exemple : dans le livre la chambre des merveilles, Thelma, une business woman qui ne pense qu’à son travail délaisse son fils. Bien sûr, elle pense que sa vie lui convient. Elle n’a pas conscience du fait que son fils en souffre et qu’elle-même aurait beaucoup à gagner à lâcher du lest et à revoir ses priorités. Lorsque son fils se retrouve dans le coma, la principale faille de Thelma est attaquée : son incapacité à prendre soin des autres fait qu’à un moment donné, elle « perd » son fils. Dès lors, elle ne va avoir de cesse de le « retrouver ».
Lorsque vous commencer à créer votre personnage principal, n’oubliez pas de connecter son désir à ce qu’il est réellement, même s’il n’en a pas conscience. Ce désir doit être un challenge pour son être. Ce désir doit créer du conflit entre lui et le monde, entre lui et ce qu’il a toujours été.
Le désir du personnage émane de son vécu, comme si la vie, grâce à un incident déclencheur, lui montrait soudain le chemin de la transformation.