Comme vous le savez sans doute, depuis sa formalisation par Aristote, la structure en 3 actes reste largement plébiscitée par les écrivains/scénaristes. Pour une raison simple : elle fonctionne parfaitement pour structurer une histoire. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas l’ajuster en fonction de ce qu’on raconte.

Dans cet article, on va s’intéresser au climax, l’un des principaux jalons de la structure en 3 actes, le point culminant de la confrontation qui a eu lieu pendant toute l’histoire, sous différentes formes, entre le(s) protagoniste(s) et le principal antagoniste (ils peuvent être plusieurs).

Dans la vidéo liée à cet article, j’ai déjà défini le climax. Ici, je vous propose donc de concevoir toute votre histoire à partir du climax. Comment faire ?

Dans un premier temps, je choisis soigneusement le climax que je souhaite mettre en scène. Le choix du climax va orienter toute l’histoire, en définir le genre, véhiculer les émotions les plus fortes de l’histoire (a priori). Autant dire qu’il a son importance.

Pour mettre en œuvre cette première technique narrative liée au choix du climax, je dois trouver le type de conflit qui m’intéresse, qui me remue, qui compte pour moi. Un peu d’introspection est ici bienvenue. Vais-je choisir un conflit d’ordre familial ? Amoureux ? Sociétal ? Politique ? Intime ? Vais-je écrire un climax au cours duquel la confrontation sera surtout psychologique ? Physique ?

Je dois préciser au maximum ce que je souhaite et ici, il peut être utile de faire sauter quelques barrières psychologiques chez l’auteur.ice. Des barrières qui peuvent nous conduire à nous dire : « je ne peux pas parler de ça, c’est trop violent, trop intime, etc. »

Prenons l’exemple d’un protagoniste qui cherche son père biologique. Si je pars du climax pour bâtir toute mon histoire, je peux imaginer que pendant cette confrontation ultime, mon protagoniste va avoir une conversation extrêmement importante avec ce père qu’il aura fini par retrouver. On imagine que cette conversation sera soit réparatrice, soit destructrice, mais dans les deux cas, le protagoniste pourra avancer dans sa vie.  

Avant de commencer à structurer mon histoire, je dois mettre en œuvre une deuxième technique qui consiste à vérifier que le contenu de mon climax coïncide avec l’histoire que je souhaite raconter.

Si cette conversation avec son père a lieu pendant le climax, cela veut dire, potentiellement, que toute la quête de mon protagoniste va consister à retrouver ce père (puis à avoir une conversation avec lui lors du climax de mon histoire). Cela veut donc dire que je raconte l’histoire d’une recherche.

Mais, si je réalise qu’en fait, je veux raconter comment mon protagoniste va nouer des liens avec son père biologique, la fameuse conversation véridique pourra avoir lieu beaucoup plus tôt dans l’histoire. Elle peut même constituer le premier nœud dramatique de ma structure en 3 actes. Dans ce cas, je raconte l’histoire d’un lien qui se renoue, pas celle d’une recherche. Cela veut donc dire que mon climax n’était pas celui que j’avais défini au départ.

Ces changements sont très fréquents. Ils font partie du travail structurel. Et l’on en revient souvent à la question initiale, déterminante : qu’est-ce que j’ai réellement envie de raconter ? De montrer ? L’histoire de la recherche d’un père ? L’histoire d’un lien qui se renoue entre un père et un fils ?

Une fois que je suis certaine que mon climax sera bien mon climax, je mets en œuvre une troisième technique qui consiste à définir tous les jalons de la structure qui sont antérieurs au climax : incident déclencheur, nœud dramatique n°1, midpoint, nœud dramatique n°2.  

Si je choisis l’option n°1 (le climax consiste en une conversation véridique entre le père et le fils), je peux imaginer que l’incident déclencheur sera la découverte, par le protagoniste, qu’il a été un enfant adopté, ce qu’il ignorait jusque-là. Il se passerait des choses jusqu’au nœud dramatique n°1, un « appel à l’action » qui conduit mon personnage à définir son objectif et à se lancer dans sa quête.

Avant le ND1, mon protagoniste découvre, après avoir fait quelques recherches, que son père biologique vit encore dans un patelin au fin fond du Nevada. Son objectif va donc être de le rencontrer/retrouver. Mon protagoniste, qui vit à New York, décide de se rendre dans le village de son père en voiture. Je peux donc choisir de raconter un road trip que je peux décider de raccourcir si je le souhaite, par exemple, en créant des obstacles sur place (dans le Nevada). Mon personnage a failli tomber en panne, s’est perdu sur la route, s’est fait dépouiller de son argent dans une station-service… Une fois arrivé dans le patelin, il subit la méfiance des locaux, etc…

Au midpoint, mon protagoniste se heurte au silence des personnes censées pouvoir l’aider. Il croit que tout est perdu, qu’il ne retrouvera jamais son père. Pire, on lui a dit qu’il avait disparu trois mois plus tôt (vraiment pas de chance) et les locaux soupçonnent qu’il s’est perdu dans le désert (Pourtant, Jack était connu pour sa prudence légendaire, qu’a-t-il donc bien pu se passer ?). Ainsi, je relance l’histoire. Mon protagoniste doit réajuster sa stratégie et entamer des nouvelles recherches.

Jusqu’au nœud dramatique n°2, mon protagoniste poursuit son enquête pour savoir si son père est mort dans le désert ou s’il est encore vivant. Au nœud dramatique n°2, après avoir remonté une piste grâce à des ivrognes très bavards qui ont bien voulu changer sa roue (sous un soleil de plomb), notre protagoniste comprend enfin comment il va retrouver son père. Et une fois que c’est fait, auront lieu les « retrouvailles » et la conversation tant attendue par le fils. Elle se résoudra positivement ou négativement pour le protagoniste. En tout cas, la quête sera achevée.

Je vérifie que tous ces jalons constituent des étapes logiques de la quête de mon personnage et qu’ils lui permettront aussi de se transformer, puisque, je vous le rappelle, une histoire, c’est le récit d’une transformation plus ou moins profonde.

Une quatrième technique consiste à créer un crescendo jusqu’au climax. Je fais donc en sorte que les jalons amènent des événements / obstacles de plus en plus difficiles à surmonter pour mon protagoniste. Le climax est bien le point de tension culminante de l’histoire, le moment où la pression qui s’exerce sur le protagoniste est maximale. Dans l’exemple développé plus haut, le road trip constitue un obstacle en lui-même, puis la méfiance des locaux, puis l’errance et les dangers du désert et enfin la rencontre avec le père. Il y a un crescendo dans les difficultés rencontrées (car oui, je considère que la pression du désert est moins forte que la pression exercée par la confrontation avec un père absent, mais on peut en débattre, éventuellement).

Souvent, les personnes qui écrivent à partir du climax ont une scène forte en tête, une scène qui les hante et qu’ils veulent écrire. Si c’est votre cas, appliquez ces quatre techniques et vous construirez votre histoire à partir d’un climax puissant, qui vous habite et qui véhiculera des émotions fortes.

Vidéo liée à l’article :