Vous êtes-vous déjà posé la question de savoir ce que vous souhaitiez transmettre à travers un roman, une bande-dessinée ou un scénario ?
Il ne vous aura pas échappé que les écrits laissent des traces. La question de la transmission se pose donc à chaque fois que l’on rend public un texte ou qu’on le montre à son entourage.
Je me pose cette question avec beaucoup d’acuité lorsque je tombe sur des livres qui, disons-le franchement, me donnent la nausée. Ce sont des livres qui abordent souvent des sujets difficiles et qui me donnent l’impression que l’auteur.e aurait mieux fait d’aller s’allonger sur le divan d’un psychanalyste plutôt que d’écrire un roman.
J’ai longtemps lu des livres (ou plutôt, tenté de lire des livres) qui me mettaient dans un état que je n’aimais pas du tout. Difficile de savoir, en lisant une quatrième de couverture, qu’on va tomber sur un texte plus ou moins glauque. Il se trouve que je suis très perméable aux émotions véhiculées par un texte et que la littérature produit réellement ses effets sur moi. C’est la raison pour laquelle je choisis désormais drastiquement ce que je lis.
« Je ne vous parlerai que de ce que j’aurais surmonté »
Cette phrase de Nietzsche, lue dans Humain, trop humain, est devenue mon crédo. Je pense en effet que ce n’est pas rendre service aux lecteurs (et à l’humanité) que de proposer le récit d’épreuves dans lesquelles on est encore empêtré. Un récit à vif, en quelque sorte, qui montre qu’on n’a pas pris de recul par rapport aux événements qu’on raconte.
A mon sens, les histoires de vie ont un sens si elles nous permettent d’aimer encore plus la vie, de nous donner de la force. J’ai conscience que cette façon de voir est éminemment subjective. Les malheurs des autres ne m’intéressent que s’ils me permettent de dépasser mes propres problèmes, de grandir et de cultiver l’espoir en la beauté du monde et des êtres. J’aime les livres qui nous transmettent quelque chose de positif, même si l’histoire racontée est dure, même si les personnages y sont malmenés par les événements de la vie.
C’est la raison pour laquelle je ne regarde plus de films d’horreur. Je n’en ai jamais tiré aucun enseignement, juste une sensation d’angoisse informe qui me hantait pendant des mois.
« Et ils en font des livres ! »
Pierre Rabhi aborde succintement cette question de la transmission dans l’un de ses livres. Il s’étonne du fait que les éditeurs et les lecteurs publient ou lisent des histoires glauques (je ne trouve pas d’autre mot).
Ces livres ont d’ailleurs souvent du succès et remportent des prix. Je n’ai pas lu un certain prix Goncourt (dont je ne cite pas le titre à dessein) qui détaille visiblement la trajectoire d’une babysitter qui en vient à tuer les enfants qu’elle garde. L’auteur.e a visiblement souhaité « donner à voir une pathologie mentale, sans pathos ni jugement ».
Quand je constate le succès de ce genre de livres, je ne peux pas m’empêcher de me demander pourquoi ils exercent une telle fascination sur leur lectorat. Je ne dois pas être faite du même bois que les autres. L’horreur ne m’a jamais fascinée, ni les psychopathes, ni les malades mentaux que je plains sincèrement. Pour moi, cette fascination est le symptôme d’une société qui ne tourne pas rond.
A mon sens, il faudrait toujours se demander ce qu’on veut transmettre lorsqu’on s’apprête à rendre une œuvre publique. Car cette œuvre continuera de vivre une fois que vous l’aurez terminé. Alors qu’avez-vous envie de laisser derrière vous ?