Quand on écrit, on peut avoir beaucoup d’idées, créer de nombreux personnages et imaginer des univers complexes. S’il faut éviter de tomber dans l’écueil de la sur-complexité (j’en parle dans la vidéo écrire un livre plus simple, et le finir), il est tout aussi important d’être capable de prendre conscience du potentiel de ses histoires.
En écrivant votre roman/scénario/nouvelle, vous allez peut-être vous rendre compte qu’une seule histoire ne suffit pas à exploiter toute sa richesse potentielle. Autant vous dire que vous ne vous engagez pas dans le chemin le plus facile puisqu’il s’agit bien de penser une série complète, qu’il s’agisse d’une série de romans ou d’une série TV.
Comment mesurer le potentiel d’une histoire ? Posez-vous ces trois questions (et répondez-y 😉 :
- Le conflit principal de mon personnage principal peut-il être décliné en plusieurs sous-conflits ?
N’oubliez jamais que lorsque vous écrivez une histoire, il s’agit toujours de montrer un personnage qui est en conflit avec quelque chose ou quelqu’un (je vous renvoie à ma vidéo le conflit au cœur du récit). Ce conflit doit être mis en scène dès le début de l’histoire et se résoudra positivement ou négativement pour le personnage principal. Une fois que ce conflit est résolu, il n’y a plus d’histoire, a priori…
La question à se poser est donc la suivante : mon conflit principal est-il suffisamment large pour pouvoir être décliné en plusieurs étapes ? Peut-il contenir des sous-conflits ?
Je vais vous parler d’un sujet que je connais bien, ma série les aventures trépidantes d’Igor-Frédéric, que je viens de terminer d’écrire (10 tomes quand même…) Le héros (ou plutôt l’anti-héros) de cette histoire est un Tanguy qui n’a jamais réussi à prendre sa vie en mains. Lorsqu’il commence à le faire, le principal conflit qu’il va devoir gérer, au fond, est un conflit interne : que veut-il vraiment dans la vie ? Que veut-il devenir ? Igor-Frédéric va devoir résoudre un certain nombre de conflits avant de pouvoir se formuler son rêve d’avenir : conflits familiaux, amoureux, conflits avec son passé, avec certains élus locaux…etc. Dans cette série, j’ai décliné le conflit principal en dix sous-conflits pour écrire des tomes qui se tiennent tout seuls, mais qui font aussi partie d’une série puisque la trajectoire globale d’Igor ne se résout qu’à la fin du dernier tome.
Demandez-vous si vous pouvez bâtir des histoires complètes avec ces sous-conflits. Si c’est le cas, vous tenez peut-être un projet de série entre les mains.
- Le conflit principal peut-il être à nouveau déclenché après sa première résolution ?
Il y a un autre cas de figure, celui du conflit réitérable à volonté. Je pense à la série Two broke girls, de Mickael Patrick King (qui a aussi écrit Sex and the city). Dans Two broke girls, deux filles que leurs milieux sociaux opposent (l’une est modeste, l’autre est la fille d’un milliardaire déchu, donc sans le sou) vont s’associer pour créer leur boutique de cupcakes. Sur le papier, rien d’extraordinaire et pourtant, on obtient une série très drôle et des personnages très attachants, série qui traite d’ailleurs de nombreux sujets.
Two broke girls a une intrigue renouvelable à volonté car le but premier des deux héroïnes est de faire fonctionner leur affaire. Chaque épisode se termine par le compte de leur tiroir-caisse (en dollars). Elles peuvent faire du bénéfice ou des pertes quand elles investissent. Elles peuvent donc atteindre leur objectif pendant une journée et tout perdre le lendemain. Cette façon de construire l’intrigue permet de la renouveler en permanence (en trouvant à chaque fois de nouveaux challenges à relever pour ces deux entrepreneuses) et donc de construire une série qui, potentiellement, ne se termine jamais (même si elle se termine dans la réalité).
L’idée est donc la suivante : définir un objectif qui peut être atteint un jour et ne pas être atteint le jour suivant.
- Vos personnages et votre univers sont-ils suffisamment complexes ?
Il y a des genres qui se prêtent plus que d’autres à la création de séries. Les genres relevant de l’imaginaire, bien sûr, puisqu’ils supposent la création d’univers complexes, sources de multiples conflits, donc d’histoires (voir ma vidéo Commencer un roman : partir de l’univers). On peut aussi écrire des séries qui ont pour cadre un univers contemporain.
La question à se poser est la suivante : mon univers contient-il d’autres conflits, à part celui que j’ai déjà traité ?
L’écueil serait de vouloir à tout prix écrire une série alors qu’au fond, vos tomes deux ou trois n’apporteraient pas grand-chose de plus à votre tome un. C’est une tentation fréquente car lorsqu’on se sent à l’aise dans un univers, lorsqu’on commence à bien connaître ses personnages, on a envie de continuer à écrire sur eux. Dans tous les cas, si vous êtes publié, je pense que vous aurez cette conversation avec votre maison d’édition qui vous donnera son avis sur la question. Si vous n’êtes pas publié et que vous sentez que votre personnage principal (ou d’autres personnages apparus dans votre roman) ont encore des « choses à dire », continuez à écrire. Attention simplement à bâtir une nouvelle histoire complète qui ne sera pas une redite de la première.
© Johanna Sebrien, 2021