Quand on écrit un roman ou un scénario, il est important de se forger une méthode de travail. Cela vous permettra d’être plus efficace, plus rigoureux et surtout, de parvenir à terminer votre texte.
Chaque écrivain a une méthode qui lui est propre, vous devrez donc trouver la vôtre. Ça ne se fera pas en un jour, mais en tâtonnant et en écrivant beaucoup.
Si chaque auteur.e développe des habitudes d’écriture uniques, il est toujours intéressant de voir comment d’autres auteurs s’y prennent pour écrire. En faisant cela, on peut renforcer l’efficacité de sa propre méthode d’écriture ou trouver de nouvelles idées qui nous aideront à être plus créatifs.
Je vais donc vous expliquer comment j’écris un roman ou un scénario, étape par étape.
Les idées d’histoires peuvent venir à tout moment. J’en parle dans plusieurs vidéos dont celle-ci : « Comment trouver l’inspiration ? ». Lorsque j’ai une idée, elle prend souvent la forme d’une phrase du type : « j’ai envie de raconter l’histoire d’un scandale politique » ou bien « j’ai envie de parler du problème de l’accumulation des déchets plastiques dans les océans ». Plus l’idée est précise, mieux c’est, car elle vous permettra de construire votre histoire plus facilement.
Dans ma vie d’autrice, j’ai aussi eu des idées d’histoires en pensant à des personnages. Ma série de romans humoristiques, les aventures trépidantes d’Igor-Frédéric (qui fait près de 1000 pages maintenant qu’elle est achevée) s’est construite à partir de l’idée de mon personnage principal. Je l’ai vu mentalement alors que je me trouvais dans le métro parisien. J’ai tout de suite pensé à un personnage de prof de piano qui aurait la cinquantaine, un double prénom et beaucoup de contradictions. À partir de ce personnage, j’ai pu bâtir un univers loufoque et une dizaine d’intrigues.
Quand on a une idée, il vaut mieux attendre quelques temps avant de se lancer dans l’écriture. J’écris mon idée et j’essaie de commencer à la travailler en créant un fichier Word, mais je ne me lance pas dans le premier jet tout de suite (j’écris parfois des bribes de textes pour tester mon idée, le début d’un roman ou une scène précise, mais j’évite d’aller plus loin pour l’instant). J’attends de relire ce fichier quelques jours plus tard, puis la semaine suivante. Si, après avoir relu mon idée plusieurs fois, je suis toujours aussi convaincue de son intérêt, mais surtout, de mon envie de développer cette idée et d’en faire un roman, je continue le processus.
J’essaie aussi de tester mon idée auprès de personnes de mon entourage. Je leur pose la question : « Est-ce que tu aurais envie de lire un livre ou de voir un film qui parlerait de ça ? ». En testant les réactions des gens, je commence déjà à tester mon lectorat potentiel. C’est à double tranchant car si les gens n’aiment pas, on peut être tenté de ne pas continuer. Mais c’est un bon test pour évaluer sa propre motivation. Est-ce que je tiens tant à raconter cette histoire ? Si, au bout de plusieurs semaines, je sens que c’est important pour moi, j’y vais car quel que soit le résultat (que je sois publiée ou pas), mon esprit a besoin d’écrire cette histoire. Le processus sera donc forcément positif et j’apprendrai des choses au passage.
Comment suis-je sûre de mon idée ? Pour ma part, mon envie d’écrire sur un sujet précis et les réactions des gens autour de moi ne me suffisent pas. Comme je m’intéresse beaucoup au monde de l’édition et que j’observe, tant que faire se peut, ce qui est publié en France et à l’étranger, je regarde toujours si le sujet n’a pas encore été traité de la façon dont je veux le traiter. Je sais pertinemment que des milliers de livres traitant du même sujet ont déjà été publiés. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir si mon approche va me permettre de me démarquer pour me donner plus de chances d’être publiée. Une fois que j’ai réalisé cette analyse, je me lance. Par exemple, quand j’ai vu qu’aucun roman graphique n’avait été publié sur l’affaire Papon, je me suis dit que j’avais une carte à jouer. Je suis d’ailleurs convaincue que cela a permis la publication de ce projet.
Une fois que je suis sûre de ce que je veux écrire, je retravaille mon idée de départ pour la transformer en prémisse. C’est John Truby qui s’attarde beaucoup sur la prémisse car, selon lui, c’est le premier socle qui va nous permettre d’écrire une histoire bien structurée. Je mentionne son livre dans la vidéo « 5 livres de storytelling pour vous apprendre à écrire ». Il consacre un chapitre entier à la prémisse, c’est dire son importance.
La prémisse dérive de mon idée de départ mais elle ne se confond pas avec elle. Si je reprends mon idée des déchets plastiques dans les océans, cela reste une idée. Comment vais-je raconter mon histoire pour dénoncer ce problème très contemporain ? Là, je pense à Boyan Slat qui a fait fabriquer des collecteurs de déchets qui sont aujourd’hui déployés dans les océans. Je peux décider de raconter une histoire fictive qui parlerait d’un jeune homme qui créerait une association pour récupérer ces déchets. Il se heurterait à toutes sortes d’obstacles, financiers notamment. Ma prémisse ressemblerait à ceci : « Hugo entreprend de collecter des fonds auprès de grandes multinationales pour lutter contre la pollution des océans ».
Mon idée commence à se préciser et c’est là que je comprends que j’ai mille façons de traiter ce sujet précis. Je peux montrer comment Hugo va tenter de collecter des fonds. Je peux aussi décider de montrer comment il va tenter de déployer ses solutions dépolluantes dans les océans (et les obstacles qu’il ne manquera pas de rencontrer). Je peux également raconter comment il va lutter contre un ou plusieurs Etats pour avoir le droit d’agir dans leurs zones maritimes respectives.
Ma façon de traiter le sujet dépend de ce que je veux raconter, de mes connaissances, de celles que je souhaite acquérir en faisant des recherches qui constitueront la matière de mon roman. C’est cette réflexion qui me permet, au fil des notes que je vais prendre, de construire ma prémisse. Tant que je n’ai pas un personnage principal, une action principale et un contexte (voir la vidéo « pitcher son projet de livre »), je sais que je ne peux pas aller plus loin car si je le fais sans être sûre de ces fondations (ces choix constituent bien les fondations de mon histoire), je risque d’être bloquée et de me demander, après avoir écrit des pages et des pages : « Est-ce bien ce que j’ai voulu raconter ? »
La prémisse peut être peaufinée pendant des semaines. Des mois, parfois. C’est le socle de départ de mon histoire et de toute ma structure. Autant dire que je ne me jette plus dans l’écriture au hasard.
Une fois que je suis certaine de ma prémisse, je l’écris sur un post-it ou dans un fichier Word et je la relis très régulièrement. Elle me rappelle ce que j’ai entrepris d’écrire. Elle va me permettre de ne pas dévier, de ne pas me perdre dans un texte que je n’ai pas réellement envie d’écrire.
Si, en cours d’écriture, je réalise qu’un autre texte « m’appelle », cela veut dire que je n’avais pas vraiment validé ma prémisse. Ce n’est pas grave, je peux me lancer dans l’écriture d’un autre texte en recommençant tout le processus décrit plus haut. Mais j’essaye toujours de savoir si l’abandon de cette idée de départ est nécessaire ou pertinente. N’est-ce pas un stratagème plus ou moins conscient de mon esprit pour ne jamais terminer un texte (puisque je bifurque d’un projet à un autre) ?
C’est la connaissance que j’ai de moi-même et de mes mécanismes mentaux qui me permettra de répondre à cette question. Le temps m’y aidera aussi.
La suite au prochain épisode…
© Johanna Sebrien, 2021