Dans cet épisode, on va parler de la construction de la trajectoire de mon personnage principal. Je décide de me concentrer sur un seul personnage principal parce que c’est plus simple à expliquer et parce que la plupart des histoires sont construites de cette façon.
On l’a vu dans l’épisode précédent, avant de commencer à construire la trajectoire de son personnage, il s’agit bien d’avoir une idée précise de ce qu’on veut raconter. J’ai pris l’exemple d’une adolescente qui veut devenir une nageuse professionnelle. Le fait de borner l’histoire dès le départ, autrement dit, de déterminer à quel moment l’histoire va commencer et à quel moment elle va se terminer me permet de construire un premier cadre et d’éviter de me perdre.
Le choix de ce cadre (le début et la fin de l’histoire) est important car il m’évitera de raconter des choses qui n’ont qu’un rapport lointain avec mon histoire (même s’il peut être très utile de savoir d’où vient mon personnage et ce, de manière détaillée, car cela va me permettre de mieux le connaître et d’améliorer sa caractérisation). Lorsque j’imagine la fin de mon histoire avant même d’avoir écrit une ligne, je sais que cette fin pourra différer de celle que j’aurais conçue au départ. Mais je ne peux pas opérer un virage à 180°, autrement dit, créer une fin qui n’a rien à voir avec ce que je souhaitais raconter. Si après l’écriture d’un premier jet, c’est ce qui se produit, ça veut peut-être dire que je me suis trompée d’idée d’histoire.
Je vais reprendre mon exemple de nageuse. J’ai imaginé qu’elle gagnerait ou pas cette compétition décisive qui lui permettra d’intégrer une équipe de niveau national. Si, lorsque j’écris mon premier jet, ma fin devient quelque chose du genre : « Eléna déclare sa flamme à Rémi, un nageur de son club, et finit par sortir avec lui », je vois bien que je suis en train de raconter autre chose et que ma fin n’est pas directement liée à la quête initiale d’Eléna.
Lorsque j’ai réfléchi à mon idée d’histoire, j’ai décidé de raconter le parcours sportif d’une adolescente. Cela ne veut pas dire que ce parcours est incompatible avec le fait qu’Eléna pourra rencontrer quelqu’un, vivre une histoire d’amour, etc. Cela veut simplement dire que j’ai décidé de placer son parcours sportif au cœur du récit. Je peux lui faire vivre une histoire d’amour, mais cette dernière sera une intrigue secondaire et pas une intrigue principale.
C’est pour cette raison que la résolution de mon histoire ne peut pas être directement liée à cette intrigue secondaire (l’histoire d’amour). Si je fais cela, je ne résous pas bien mon intrigue principale et c’est ce que je dois faire en premier lieu.
Maintenant, je peux me laisser la possibilité de décider, à la fin de mon premier jet ou lors de l’écriture de versions ultérieures, si je veux qu’Eléna réussisse cette compétition ou échoue. Mais je ne peux pas ne pas résoudre sa quête principale, d’une manière ou d’une autre.
Ensuite, si je reviens au début de mon histoire, Eléna doit pouvoir se lancer dans cette quête, justement. J’avais déjà réfléchi à plusieurs possibilités et là, il va falloir que je me décide rapidement car il s’agit du début de mon histoire. Si je ne fixe pas cet élément, je vais avoir du mal à écrire. Je peux donc décider que cette quête d’Eléna prendra forme après une conversation avec son coach qui lui dira qu’elle a désormais le niveau pour participer à la compétition convoitée.
J’imagine qu’une séance d’entraînement particulièrement intensive fera office d’incident déclencheur car c’est à ce moment précis que le coach, constatant la qualité de la performance de sa nageuse, décidera de lui parler de cette compétition.
En réfléchissant au début et à la fin de la trajectoire de mon personnage, je fais des allers et retours entre mon idée de départ et l’évolution de mon personnage. L’une me permet de vérifier la cohérence de l’autre et surtout, de valider ce que je souhaite raconter.
Lorsqu’on fait ce travail, il est important de fixer les choses un minimum mais aussi de savoir rester souple. Votre premier jet vous dira si la trajectoire conçue au départ correspondait bien à ce que vous souhaitiez raconter. La validation se fera donc plusieurs fois au cours de votre processus d’écriture (j’ai même envie de dire, jusqu’à la fin de ce processus).
Pour l’instant, j’ai imaginé le début et la fin de la trajectoire de mon personnage principal. C’est un bon début, mais ce n’est pas suffisant. La semaine prochaine, je vous parlerai des jalons intermédiaires de cette trajectoire en m’inspirant de la structure en trois actes.
© Johanna Sebrien, 2021